BE - GreensPar Philippe Lamberts, député Européen – Article publié dans le Colvert #24 (Automne 2015)

Cela fait plus de deux ans que les négociations sur le traité atlantique ont officiellement débuté. Du 19 au 23 octobre, s’est déroulé le 11e round de négociations. Alors que les négociateurs tiennent à respecter le calendrier consistant à boucler les discussions dans les prochains mois, tout indique qu’ils seront incapables de tenir l’échéance. Non seulement, cela prend en moyenne quelque 5 années entre deux partenaires économiques pour convenir d’un traité commercial. Mais, de plus, les négociations trainent en longueur parce que, ici, les deux partenaires économiques sont des puissances économiques équivalentes, aucune ne pouvant in fine imposer des conditions à l’autre en raison d’un rapport de force qui lui serait favorable. Par ailleurs, les économies américaines et européennes, si elles sont fondées sur le libre échange, sont organisées de manière différentes et cela s’en ressent au niveau des réglementations et des principes sur lesquels elles reposent.

Le fait que les négociateurs fassent si peu de progrès est de bon augure pour les opposants au TTIP : en effet, au cours des prochains mois, nous rentrerons dans des cycles électoraux, que ce soit aux USA, en France ou en Allemagne et aucun candidat ne voudra encombrer sa campagne d’un traité polémique qui, de ce côté-ci de l’Atlantique, a mobilisé plus de 3 millions d’Européens. De l’autre côté, aux Etats-Unis, la priorité commerciale fut accordée à la conclusion d’un TPP, soit l’équivalent du TTIP avec 11 partenaires asiatiques et océaniques. Déjà que les Européens expriment des réticences à l’égard de la clause ISDS si polémiques – même dans la nouvelle version qui en a été proposée à la mi-septembre par la Commission – qui est pourtant la clé de voûte de tout accord pour les Américains, il s’avère que le dieselgate ou le scandale VW révélé par les autorités américaines a montré que les procédures d’homologation et de certification des véhicules étaient défaillants en Europe. Pas de quoi rassurer les Américains quant à la qualité réelle des produits émanant du Vieux Continent.

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Au niveau belge, si les récentes grèves ont fait resurgir le débat sur le droit au travail et la personnalité juridique des syndicats, il ne faudrait pas oublier que, suite à mon interpellation parlementaire, la Commission européenne a laissé entendre que les conventions collectives en Belgique et dans d’autres pays seraient rendues caduques et pourraient être contestées par des investisseurs américains si le TTIP entrait en vigueur. C’en serait la fin du modèle social belge de l’après-guerre. Et, à en croire le FMI (qu’on n’a pas attendu pour comprendre ce phénomène) qui a montré l’existence d’un lien entre affaiblissement des syndicats et montée des inégalités, cela ouvrirait la porte à une explosion des inégalités dans nos pays.

Bref, les rebondissements récents confirment que le temps joue en notre faveur à condition de ne  pas relâcher notre attention sur le TTIP. Il s’agit d’une bataille que nous pouvons remporter et que, si tel devait être le cas, cela pourrait redonner confiance à la gauche et aux citoyens dont beaucoup estime, surtout après la rentrée dans le rang du gouvernement d’Alexis Tsipras en Grèce, qu’une alternative n’est décidément pas possible.